Jacobi Otto Reinhold 1812-1901
Peintre et professeur, né le 27 février 1812 à Königsberg (Kaliningrad, Russie), Otto Reinhold manifesta dès l’âge de dix ans, un rare talent d’artiste. Son premier maître de dessin fut Christian Ernst Rauschke, et le second, le portraitiste Andreas Knorre. À l’âge de 16 ans, Jacobi quitta l’école secondaire pour enseigner à l’institut des sourds-muets de Königsberg. Deux ans plus tard, en 1830, grâce au soutien financier d’amis de son père, il put étudier à l’Académie des arts de Berlin et prendre des leçons de Karl Friedrich Schulz. En septembre de la même année, il exposa pour la première fois. En 1832, il gagna une bourse lui permettant d’étudier trois ans à l’académie de Düsseldorf (Allemagne), l’une des plus prestigieuses d’Europe, où il reçut des cours de Johann Wilhelm Schirmer. L’académie attirait des étudiants de tous les horizons, et c’est peut-être là que Jacobi eut son premier contact avec l’Amérique du Nord.
Jacobi fut rapidement apprécié par la royauté tel que le prince héritier de Prusse à qui il vendit une scène d’hiver sur le Rhin et l’Impératrice de Russie à qui il s’empressa de créer un « Album de belles aquarelles des environs d’Ems ». Ainsi il devient peintre de la cour de Wiesbaden, la capitale du duché. Pendant la vingtaine d’années qu’il passa à Wiesbaden, Jacobi donna des leçons de dessin aux enfants de la maison ducale, fut conservateur de la collection de tableaux du duc et peignit aussi bien pour la cour – notamment des fresques pour la chapelle grecque en 1855 – que pour des clients lointains.
Pour différentes raisons mystérieuses, il quitta Wiesbaden en 1860 et se rendit, seul, à New York. Jacobi ne se fixa cependant pas là, et le fait qu’il avait déjà exécuté des commandes pour des têtes couronnées y est sans doute pour quelque chose. Bessunger le rencontra à New York et l’amena à Montréal en 1860.
Dès son arrivée à Montréal, Jacobi, grâce à ses huiles et à ses aquarelles – surtout des paysages, mais aussi, à l’occasion, des portraits et des scènes de genre – se classa au premier rang des artistes de la ville. Jacobi était avant tout un peintre d’atelier, pendant ses dix premières années au Canada, il s’employa à reproduire fidèlement la topographie des lieux dans un style qui conservait la solidité formelle et la puissance de trait de sa période européenne. Chaque fois qu’il peignait un endroit précis, il prenait pour point de départ des photographies, certaines par Notman. Un des meilleurs exemples de cette collaboration, Falls of Ste. Anne, Québec, qu’il peignit en 1865 et qui se trouve maintenant au Musée des beaux-arts de l’Ontario, à Toronto, est la transposition détaillée, à l’huile, d’une photographie prise par Notman la même année. Cette toile montre la stature de Jacobi et la solidité de sa formation. « Par sa virtuosité technique et le degré auquel elle parvenait à capter la puissance du paysage canadien, a écrit William Clement Forsey, Falls […] était à l’époque l’une des toiles les plus importantes que l’on eût peintes au [Canada]. »
Dans les années suivantes, Jacobi délaissa ses préoccupations topographiques pour faire des toiles plus floues, plus orientées vers le rendu atmosphérique. Selon Forsey, « même ses tableaux à l’huile se mirent à ressembler à des aquarelles ». À compter des années 1870, d’après Dennis Reid, il cessa de peindre des lieux précis et parut se concentrer sur « des paysages stylisés, idéalisés, sans visée topographique particulière ». Paul Duval affirme que ses meilleures œuvres « ont quelque chose du caractère et du charme lumineux des dernières aquarelles alpines de Turner ».
Courtois et doué d’un bon naturel, Jacobi, que Watson a décrit comme « un homme jovial au visage rubicond, qui aimait le rire et la bière », avait l’esprit d’équipe. En 1867, il fonda, à Montréal, la Société des artistes canadiens avec deux autres éminents peintres d’origine allemande, Adolphe Vogt et William Raphael*, de même qu’avec Allan Aaron Edson*, Fraser, Sandham et Way. Membre de l’Association des beaux-arts de Montréal au moins à compter de 1865, il fut admis à l’Ontario Society of Artists en 1876 sur la recommandation de Lucius Richard O’Brien*. En 1879, il fut mis en nomination à titre de membre fondateur de ce qui allait devenir l’Académie royale des arts du Canada. En 1890, il entra au Pen and Pencil Club de Montréal.
Jacobi exposa régulièrement et en beaucoup d’endroits. En outre, il participa à des expositions organisées par les autres sociétés auxquelles il appartenait ainsi qu’à l’Upper Canada Provincial Exhibition tenue à London en 1865, où il remporta un deuxième prix, à l’Exposition universelle de Philadelphie de 1876, où il présenta jusqu’à 12 œuvres, à l’Industrial Exhibition de Toronto en 1881 et en 1900, et à l’Exposition universelle de Chicago en 1893. La Pennsylvania Academy of the Fine Arts de Philadelphie exposa huit de ses œuvres en 1881. L’Association des beaux-arts de Montréal lui décerna, en 1870, un prix qu’il partagea par la suite avec l’Ontarien Daniel Fowler*. Il fut l’un des premiers à être invités par Thomas Mower Martin*, en 1877, à enseigner à l’Ontario School of Art de Toronto (dans son cas, il s’agissait de donner des cours d’aquarelle). Il bénéficia également de la protection du Montréalais George Alexander Drummond, homme d’affaires en vue et collectionneur d’art.
Jocobi était alors un des peintres les plus prospères jusqu’au jour où sa vue baissa, le critique Newton McFaul MacTavish mentionna dans un article qu’il allait jusqu’à chausser trois paires de lunettes pour peindre, et il devint de plus en plus reclus. Ainsi le 8 février 1901 à Ardoch, Dakota du Nord, Jacobi décéda.